Obligation de déclaration des logeurs, domaine de compétence de la Confédération
La législation dans le domaine du droit des étrangers et de l’asile relève de la compétence de la Confédération (cf. art. 121, al. 1, Cst. et Daniela Thurnherr). En vertu de cette prérogative, cette dernière a édicté la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration (LEI), qui règle notamment le séjour des étrangers en Suisse (art. 1 LEI) et qui prévoit, en cas d’hébergement d’étrangers à titre lucratif, que le logeur le déclare à l’autorité cantonale (art. 16 LEI). L’ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative (OASA) définit l’hébergement à titre lucratif comme étant un hébergement « contre rémunération » (art. 18, al. 1, OASA). Partant, un logeur qui héberge un étranger à titre gratuit n’est pas soumis à l’obligation de déclarer. Par contre, à l’instar des établissements hôteliers ou parahôteliers, les logeurs privés sont aussi tenus d’annoncer leurs hôtes étrangers si l’hébergement a lieu contre rémunération, que ce soit à titre régulier ou ponctuel. Cela vaut également lorsque le contrat d’hébergement est conclu par le biais d’une plateforme de réservation en ligne, cas de figure qui est explicitement précisé dans les directives et commentaires du Secrétariat d’État aux migrations (SEM). Le fait de déclarer les visiteurs étrangers à l’autorité compétente éteint l’obligation légale. L’art. 16 LEI ne prévoit aucune autre obligation. Est puni d’une amende quiconque contrevient à l’obligation de déclarer (art. 120, al. 1, al. a, LEI).
Par ailleurs, l’art. 45 de la Convention d’application de l’Accord de Schengen (CAAS) a également valeur de base légale pour le contrôle hôtelier.
Exécution par les cantons
Les cantons sont responsables de l’exécution du droit des étrangers et de l’asile. Il leur incombe de fixer les modalités de l’obligation de déclarer visée à l’art. 16 LEI, dans le respect des prescriptions minimales de l’OASA. Ainsi, l’OASA impose aux logeurs l’obligation de remplir un bulletin d’arrivée selon les indications contenues dans les pièces de légitimation de l’étranger et de le lui faire signer (art. 18, al. 1, OASA). Toutefois, chaque canton peut fixer de manière autonome les modalités exactes de l’annonce et définir auprès de quelle autorité elle doit s’effectuer. En outre, les cantons peuvent introduire une obligation de déclaration plus stricte et l’étendre, par exemple, à l’hébergement à titre gratuit (directive LEI, p. 26). Des variantes cantonales existent d’ailleurs. La plupart du temps, la déclaration peut être effectuée de manière électronique. La réglementation de l’utilisation des données contenues dans la déclaration relève de la souveraineté cantonale (cf. rapports du Conseil fédéral du 11 janvier et du 15 novembre 2017).
Convention d'application du 19 juin 1990 de l'Accord de Schengen (CAAS)
Convention d'application de l'Accord de Schengen du 14 juin 1985 entre les gouvernement des États de l'Union économique Benelux, de la République fédérale d'Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes; Journal officiel de l'UE n° L 239 du 22/09/2000 p. 0019 - 0062
Daniela Thurnherr, St. Galler Kommentar ad art. 121 Cst, en particulier ch. 3 et 24.Marc Spescha, Migrationsrecht Kommentar zu Art. 16 AIG, 4. A., 2015.Philipp
Marc Spescha, Migrationsrecht Kommentar zu Art. 16 AIG, 4. A., 2015.
Philipp Egli, Tobias D. Meyer, Bundesgesetz über die Ausländerinnen und Ausländer (AuG), SHK – Stämpflis Handkommentar zu Art. 16 AuG, 2010.
La manière dont l’obligation de déclarer est gérée dans les cantons de Zurich et de Genève est présentée brièvement ci-après en guise d’exemple. Alors que le canton de Zurich exerce sa compétence et va au-delà de l’obligation fédérale, le canton de Genève a renoncé à édicter sa propre réglementation.
Le canton de Zurich demande aux établissements d’hébergement de procéder à un contrôle des hôtes et de remplir des bulletins d’arrivée (§ 21, al. 1, 1re phrase de la loi sur la police du canton de Zurich [ZH-PolG]). Ces documents, qui doivent être mis à la disposition de la police à des fins d’identification (§ 21, al. 4, 2e phrase ZH-PolG), peuvent également servir à rechercher et identifier des criminels ou à retrouver des personnes portées disparues (cf. rapport du Conseil fédéral sur la réglementation dans le secteur de l’hébergement, p. 31). La loi sur la police du canton de Zurich ne fait pas de distinction entre étrangers et Suisses et s’applique par conséquent à tous les hôtes. Elle va de ce fait plus loin que l’art. 16 LEI. Pour que tous les hôtes, quelle que soit leur nationalité, soient soumis à des règles les plus uniformes possible, la procédure cantonale se fonde sur celle de la Confédération (OASA).
La police municipale de Zurich a publié une feuille d’information destinée aux logeurs, qui précise que les personnes morales et/ou physiques qui utilisent une plateforme électronique pour la location et la réservation de logements de particuliers et qui louent leur logement à titre lucratif sont soumis à l’obligation de déclarer. Concrètement, les logeurs doivent s’inscrire au préalable sur un site dédié (www.hotelkontrolle.zh.ch) et procéder, depuis là, aux déclarations électroniques de leurs hôtes.
Cornel Borbély, Kommentar zum Polizeigesetz des Kantons Zürich, Andreas Donatsch, Tobias Jaag, Sven Zimmerlin, 2018, zu § 21
Le canton de Genève a renoncé à édicter une disposition cantonale d’application de l’obligation fédérale pour le logeur de déclarer une personne étrangère hébergée à titre lucratif (art. 16 AIG). Il s’est donc également abstenu d’une application cantonale plus stricte (cf. canton de Zurich).
Sur son site Internet, le canton de Genève indique clairement dans la rubrique « construire et se loger » qu’une personne souhaitant héberger un hôte étranger contre rémunération doit remplir diverses formalités. En particulier, le logeur, après s’être enregistré sur le site web concerné, doit communiquer les données personnelles de son hôte à la police dès que possible. Ceci doit être fait aussitôt que le locataire a pris possession du logement.